InoxMan World Championship
World Championship
Quézako ? C'est quoi donc ? Championnat du Monde ? Depuis quand ? Qui ? Où ?
Présentation, très légèrement enjolivée, parfois un peu exagérée, à peine romancée…
L'Inoxman, défi mythique, mystique et …physique !
C'est un raid, qui a lieu dans le plus grand secret.
Tous les ans à la même époque, début septembre, aux confins des terres charentaises, là où la route s'arrête devant l'océan, une trentaine de potes soudés, de fous un peu déjantés venus des « quatre » coins de l'hexagone, triés sur le volet et répondant à l'invitation du chef de la tribu, se réunissent pour se présenter sur la ligne de départ de l'Inoxman.
Ca se passe sur une presqu'île entre Gironde, Atlantique et Seudre riche en histoire, là où mer et terre se sont toujours livrées une lutte acharnée, là où les sables de la côte balayés par le vent ont enseveli des villages, là où naguère l'île d'Armotte accueillait escrocs, brigands, et exclus de la société du Moyenne Age.
Dans ces parages, plus tard, les redoutables naufrageurs Mathérons pillaient sans vergogne les embarcations qui se fracassaient dans les rochers ou s'échouaient sur les plages victimes de feux trompeurs allumés sur la côte. On y voit aussi encore en forêt et sur la plage les nombreuses silhouettes sinistres des bunkers construits pendant la seconde guerre mondiale par les allemands pour interdire l'entrée de l'estuaire de la Gironde aux alliés et parer à toute tentative de débarquement. Désormais ostréiculture et tourisme font vivre la presqu'île.
C'est là, dans cette petite station dont l'ancien nom « Le Clapet » résonne encore aux oreilles des anciens, que d'autres hors-la-loi en quête d'aventures, ont pris part il y a 10 ans au 1er Inoxman à l'appel de Philinox.
L'Inoxman c'est le bilan annuel de santé, et pour certain c'est même l'objectif pour lequel on se maintient en forme pendant 12 mois.
Pourquoi ce nom ? L'Ironman existait déjà. L'Inoxman, c'est le cran au-dessus, la version traitée inox because les nombreuses trempettes dans l'eau salée.
L'Inoxman : un parcours qui s'est imposé de lui-même mais aussi un d'esprit.
Le parcours : le tour de la presqu'île d'Arvert en restant au plus près de la mer et en enchaînant les moyens de déplacement imposés par la topographie (course à pied, VTT, canoë, natation) soit dans les 80kms. Départ de La Palmyre en suivant la Gironde jusqu'à Pontaillac, traversée des terres en piquant plein nord pour atteindre Mornac en bord de Seudre. Rive gauche de la Seudre avec ses marais ostréicoles jusqu'au pertuis de Maumusson qui sépare l'île d'Oléron du continent, plage Atlantique vers le sud via la terrible Côte Sauvage pour, après l'escalade du Phare de la Coubre, faire le tour de la pointe de la Coubre, traverser la baie de Bonne Anse en partie à la nage et terminer par l'arrivée grandiose dans le port de La Palmyre.
L'esprit : cette année encore, malgré une météo bien peu favorable, 26 fous étaient présents au départ…25 à l'arrivée. Peu d'abandons, c'est une habitude. On n'abandonne qu'en cas de force majeure. Tous sont des gens de confiance, des durs à cuire prêts à souffrir malgré le manque d'entraînement de certains pour avoir la fierté en fin de journée de couper la ligne d'arrivée sous les applaudissements de leurs pairs.
Ils savent qu'aucune mesure de sécurité n'est prise, c'est une épreuve clandestine qui se soustrait au carcan des autorisations officielles et chacun est responsable de sa participation.
Pas d'arbitres ni de commissaires de course, l'Inox-spirit garantit l'honnêteté des participants.
Entre eux s'est façonnée au fil des éditions une solide amitié née du partage des mêmes galères. Chacun a déjà marqué l'histoire de l'épreuve de son empreinte et les anecdotes dont il a été l'auteur lui ont valu un sobriquet.
Accepter l'invitation à l'Inox c'est s'engager à être présent au briefing du vendredi soir et à la pasta qui le prolonge, à rester sur la cale d'arrivée jusqu'à ce que le dernier s'y présente, à rester le samedi soir au repas de clôture.
Le Golfy, rhumerie renommée de la côte, repère de corsaires des temps modernes sert traditionnellement de point de retrouvailles dès le vendredi soir. C'est le camp de base.
Mais cette année, alors que tous sont réunis dans l'habituelle salle, plane un parfum à la fois d'anxiété et de gourmandise. C'est que pour cette 10ème édition Philinox a en effet promis une surprise. Cette surprise doit durcir l'épreuve et n'est pas sans causer quelques craintes parmi les concurrents qui connaissent le « patron », comme certains l'ont baptisé.
Le rituel débute par l'incontournable briefing. Dès le début, annonce d'une importante décision qui modifie le parcours. En raison de la météo exécrable (vent énorme depuis la veille annoncé force 6 avec rafales à 7 accompagné d'une houle de 3m à 3.5m), la traversée des conches (criques) à la nage est annulée pour la 1ère fois depuis la création de l'Inox.
Il faut bien préciser que la mise à l'eau se fait en plongeant depuis les rochers mais que c'est surtout la sortie qui est problématique puisqu'elle s'effectue en escaladant les rochers coupants, hérissés d'huîtres le tout ballotté par le ressac…Pas facile ! De plus toute assistance est illusoire en cas de problème. Dans cet environnement hostile, des sauveteurs en bateau mettraient leur propre vie en péril. On a déjà vécu par le passé des sorties de natation saignantes mais cette année ce serait de la folie.
Soulagement mêlé de déception pour certains mais la décision s'imposait.
Autre info importante, cette année l'ascension du phare de la Coubre n'est pas possible pour cause de travaux.
Maintenant c'est au tour de la surprise mystérieuse tant attendue d'être enfin dévoilée.
Pour être littéralement en phase avec le concept initial du parcours (tour de la presqu'île au plus près de la côte) Philinox a décidé d'ajouter une portion de course à pied de 10km supplémentaire dès le début ! Elle correspond au tour de la baie de Bonne Anse jusqu'à présent shunté. Elle servira en quelque sorte de hors-d'œuvre.
Le parcours de la 10ème se découpe donc en 10 étapes :
- Extrémité de la pointe de la Coubre à Port de La Palmyre/Golfy : 10km de course à pied sur sable souvent mou avec traversée de chenaux (vase).
- Port de la Palmyre à Grande Côte : 6.5km en VTT (dont 4 sur la plage)
- Grande-côte à Pontaillac : 9km de course à pied sur sentier littoral (exceptionnellement
cette année sans natation)
- Pontaillac à Mornac : 9 km de VTT sur route et chemins « agricoles »
- Mornac à Chaillevette : 5km à travers marais et claires ostréicoles, avec passages de chenaux à la nage
- Chaillevette à la Grève à Duret : 5 km de canoë en descente de Seudre
- La Grève à Duret à la Grève de la Tremblade : 5km de VTT à travers claires avec pour finir passage de chenal…VTT dans canoë
- La Grève à plage des Roseaux : 8,5km à pied à travers claires, avec passages de chenaux vaseux, puis sur sable…
- Plage des Roseaux à phare de la Coubre : 14km de VTT dont 3 sur monotrace technique en forêt et 11 de « bavante » sur la plage de la côte sauvage
- Phare de la Coubre à port de La Palmyre/Golfy : 8km de course à pied sur la plage puis traversée de l'anse avec franchissements natation et entrée dans le port…à la nage !
Puis c'est la Finish Line, la cale du port, là où la bière coule à flot, où la foule en délire scande le nom des survivors auxquels on remet un collier de fleurs à la sortie de l'eau. C'est là que l'Histoire s'arrête, là où, de simple homme, on devient Héros…
Je m'enflamme peut être un peu là ?!? … nan, à peine !
La soirée briefing ne se prolonge pas. Et pour cause, le lendemain l'embarquement des premiers se fera avant l'aube … pour rejoindre la ligne de départ de l'autre côté de la baie de Bonne Anse.
Samedi matin très tôt : la première navette largue les amarres depuis le ponton face au Golfy. Un Zodiac de 17 places propulsé par 225 chevaux sous le commandement de Cap'tain Jean-Mi. Ils sont 14 a y avoir pris place blottis les uns contre les autres. Traversée un peu au feeling dans la semi-obscurité, le jeu consistant à entrevoir les bouées du chenal. Arrivé sur zone le commando des 14 premiers saute du zodiac à l'image du débarquement d'une troupe d'élite qui part en mission, à l'image de GI's débarqués au Viet Nam…on s'y croirait ! Mais ici pas d'ennemis cachés, juste des mouettes incrédules et indignées qu'on vienne les déloger de si bon matin!
Maintenant il va falloir patienter plus ou moins longtemps sur ce banc de sable exposé au vent, le temps que l'heure de départ de chacun arrive. Car ici, et depuis la première édition, le but n'est pas d'arriver le premier, mais de se dépouiller pour arriver à l'heure indiquée par Philinox et dépendante de la marée. Si tout est OK on arrive dans un mouchoir. C'est ainsi que la veille, au briefing sont calculés les décalages de départ, à la manière d'un contre la montre en se référant aux performances de l'année passée et de l'état de forme du moment.
Les premiers s'élancent un peu avant 7 heures pour la première des 10 étapes qu'il faudra enchaîner tout au long de la journée pour rallier le port de La Palmyre. Ils envisagent environ 10h30 de crapahut.
De l'autre coté, au port, la deuxième vague se prépare. Les conditions étant mauvaises, la décision a été prise par Philinox pendant la nuit (il a eu le temps en dehors de ses 2 heures de sommeil) d'avancer pour ceux qui le peuvent le départ de 15' au vu des conditions météo défavorables qui ralentiront la progression.
La première vague est encore éparpillée dans le tour de Bonne Anse lorsque j'accompagne, en guise de reporter photo, la seconde vague dans le maxi zodiac. Ils sont 10 à bord. Le trajet est vite effectué, a peine gêné par la grosse houle.
Jean-Mi me ramène au port où les premiers sont déjà passés après avoir achevé le tour de l'anse.
Ce sont Golden Snail, Lapin, et Fred von Hamburg, Olive le Sanglier et Thierry le Cuistot, Superman et Supergirl. J'arrive juste pour encourager Céline. Puis le défilé ne s'interrompt plus : Mr Propre et Marianne, Sylvinox et Fred le Rustique, Françoise l'Eclaireuse et Gilles le Skieur.
Ceux de la 2ème vague arrivent : Hervé les Yeux Clairs, Philinox, les 3 Frangins (Pit, Alain l'Optimiste et Didier le Novice), Thierry l'Ecolo-zen (auquel je prête mon VTT pour cette seconde étape…son assistance n'étant pas arrivée à temps !), le Bûcheron et Olivier de St Palais, Arnaud le 9-2 et Gilles des Trémières.
Des sobriquets à l'image de ceux donnés au siècle dernier en pays trembladais !
Mon départ à moi, Erik l'Express, est prévu à 10h00 soit 3h après les premiers !
Je pars avec mon compagnon habituel, Bruno le Fakir. Pour nous, pas de zodiac 17 places luxueux, mais l'annexe 4 places du voilier de Jean-Mi…! Petit gonflable équipé d'un 6 CV qui contraste avec le 225 CV de l'autre monstre. Ce n'est pas Jean-Mi qui nous emmènera au départ, mais Jo…pas de chance pour lui !
En tenue de course, avec juste un vêtement un peu plus chaud pour la traversée, nous prenons soin de retirer nos chaussures pour ne pas les mouiller lors du débarquement sur la pointe…Jo, lui, est en tenue de travail, prêt à assurer le service au Golfy dès son retour…Il a quand même pris soin de
se vêtir d'un blouson…on sait jamais !
Traversée du port sans problème à l'abri du vent, sortie effectuée avec grand succès, mais ça se complique rapidement. La mer se creuse, les rafales nous atteignent de plein fouet…et le bateau est toujours aussi petit.
La première vague nous surprend. La seconde nous mouille légèrement le maillot. La troisième nous trempe…et les suivantes font flotter nos chaussures (soigneusement enlevées pour les maintenir sèches) dans le fond du bateau ! Au final, je me retrouve à écoper pour limiter la montée des eaux !
Le vêtement supplémentaire n'aura servi à rien, et nous voilà aussi mouillés qui si nous étions venus à la nage !
Bref, traversée terminée, nous mettons pied à terre…ou plutôt dans l'eau ! Bien sûr le sable remplit nos pompes. Nous repoussons Jo, trempé lui aussi…il n'aura plus qu'à se changer avant de prendre son service !
Extraction du sable des chaussures, et nous nous dirigeons vers la cabane en bois style « Koh Lanta » qui trône sur le bout de la pointe et qui sert de point de départ. Nous la touchons à 10h pile…juste dans le timing ! Bruno le Fakir et moi attaquons l'Inoxman 10ème édition…c'est parti pour un tour…de la presqu'ile d'Arvert !
Cette première étape, je la connais bien…et pour cause. Déjà quelques années auparavant, mon père organisait début août le « Tour de l'Anse » qui réunissait plus de 400 coureurs…et que j'ai « modestement » remporté lors des deux dernières éditions en 1999 et 2000…pieds nus !
Après quelques hectomètres de sable très mou, nous enquillons à travers obiones et salicornes dans le sentier piégé de passages vasouillards mais bien protégé du vent par les dunes. Havre de paix dans un paysage fabuleux et sauvage !
Rapidement nous atteignons le fond de l'anse et entamons le retour vent dans le dos.
En fin de parcours, traversée d'anciens parcs à huîtres, tantôt à sec, tantôt les pieds dans l'eau et la vase pour les traversées de chenaux. Dernière ligne droite sur la plage où la mer qui a commencé à redescendre nous autorise à courir sur du sable un peu plus dur.
Tour bouclé en 45'. De retour au port, Valérie la femme de Bruno nous attend pour la transition.
Chaque participant doit en effet bénéficier de l'aide d'une assistance aux points de transition pour prendre et redonner le vélo et assurer le ravitaillement ou le changement de tenue.
C'est reparti en VTT pour la 2ème étape. Mon assistance a eu le temps de rapatrier mon VTT prêté.
Front de mer pendant 2 km sur piste cyclable, en slalomant à travers les touristes épatés. Quelques amoncellements de sable sur la piste, puis 4km de plage…celle de la Grande Côte. C'est le 1er Inox où j'ai le plaisir de rouler sur cette portion !
Il est vrai qu'habituellement avec Bruno on se coltine les 4 km de plage en courant à côté de nos vélos pour cause de marée haute…Du coup, cette année, nous éclatons notre chrono et passons en trombe à coté des bunkers éparpillés sur la plage !
En 24', nous atteignons la falaise de la Grande Côte. Escalade vélo sur l'épaule, rapide transition, un p'tit sandwich et ça repart à pied cette fois sur le sentier douanier.
Après 300m, un promeneur m'encourage et me salue en me félicitant pour ma perf' sur l'Ironman de Roth…c'est Eric le Pompier, qui lui a fait Klagenfurt. Je ne m'arrête pas…pas le temps, je dois suivre l'imperturbable Fakir parti sur un bon rythme de croisière.
Nous nous engageons sur le sentier côtier longeant les carrelets, laissons de coté le Puit de l'Auture, (pas au programme pour ce 10ème anniversaire…mais qui sait pour les futures éditions !?!) et continuons sur ce beau sentier des douaniers…qui avaient certainement fort à faire autrefois sur cette côte aux nombreux trafics en tous genres.
Passage d'une seconde conche au bout de laquelle trône le Pont du Diable…à la roche calcaire éclatante sous la lumière rougeoyante du soleil naissant qui perce les nuages encore bien présents. Montée d'escaliers, passages en corniche.
Nous faisons route au train et atteignons Saint Palais pour contourner la conche si prisée l'été. Pas de mise à l'eau cette année a dit le Boss bien que la traversée semble possible, mais les ordres sont les ordres, et puis nous n'avons pas prévu les tenues en conséquence…Nous ne sommes décidément pas à la hauteur de l'événement…quelques vagues nous arrêtent !
Nous mettons quand même les pieds dans l'eau pour sortir de la plage et crapahuter dans les rochers au plus près de l'eau, dans l'esprit quoi !
C'est reparti pour un tronçon de course plus roulante qui nous mène jusqu'à la conche de Nauzan.
Nombreux surfeurs sur l'eau, grosses vagues…et une traversée natation en moins pour nous. Traversée de la plage, passage au pied de la fameuse Maison Blanche, la Mecque des soirées pour couche-tard l'été. Retour sur le sentier des douaniers.
Passage de plusieurs petites conches, puis après une étape un peu plus longue, arrivée à Pontaillac. Là non plus, pas de mise à l'eau. Pas de traversée, nous arrivons directement au Casino. Une dizaine de minutes de gagnées sur les éditions précédentes…bien peu vu le temps ajouté par le tour de Bonne Anse au départ…et la fatigue qu'il engendrera certainement en cours de journée.
Pontaillac, toujours autant de surfeurs à l'eau…et nous qui n'avons pas eu le droit de nous rafraîchir !
Pontaillac, pas de tireurs d'élites, de garde du corps, de cortèges ni de politiciens en vue malgré « l'université d'été de l'UMP » qui a débutée la veille à Royan…
Pontaillac enfin, et c'est le plus important, nouvelle transition, fin d'une étape, début d'une nouvelle.
Ravitaillement rapide, juste le temps de finir de retirer le sable des chaussures et des chaussettes présent depuis le début. On enfile le casque, on remplit les poches de ravitaillement, on engouffre deux/trois sandwichs et c'est reparti !
On quitte les bords de Gironde, on infiltre le Pays Royannais, on traverse la presqu'ile d'Arvert en VTT, cap au nord par routes et chemins de campagne. Courte étape de 9kms, rendue pour moi difficile en raison d'une selle desserrée qui bouge dans tous les sens.
24' plus tard, vent favorable et soleil réchauffant, nous atteignons Mornac-sur-Seudre, village pittoresque, pour y laisser à nouveau nos montures et partir au galop à travers marais et parcs à huîtres.
Bien entendu, encore quelques bouchées, un Mars pour la forme et ça repart !
Traversée de Mornac, traversée de claires, traversée de chenaux en nageant à l'indienne…un bras brandi hors de l'eau pour tenir la ceinture porte-bidons et les sandwichs hors de l'eau. Dernier chenal à traverser pour accoster sur la cale où Daniel et ses canoës nous attendent fidèlement comme à toutes les éditions.
Valérie et les enfants de Bruno nous y attendent également…re-ravitaillement, et re-départ pour l'étape suivante…mon enfer…45' de canoë sur la Seudre.
Un maillot pour se protéger du vent, un gilet de sauvetage plus pour nous maintenir au chaud que par sécurité, nous attaquons à bord du même canoë les 5 kms de Seudre bordés de claires. Au milieu du fleuve le vent lève un clapot important. Nous longeons la rive sud-ouest plus abritée du vent. Derrière, Bruno exécute un travail de haute voltige, une trajectoire parfaite qui me permettra de réaliser le meilleur temps de ma carrière. Plus vite qu'habituellement en kayak reconnu pourtant comme plus rapide !
Après quelques minutes, nos jambes s'engourdissent, celles de Bruno crampent, mes poignets crispés commencent à être douloureux…c'est bien mon étape galère !
La présence de Bruno permet de mieux digérer la monotonie de cette section canoë où la vue se cantonne à la Seudre, au clocher de Marennes, au pont de la Seudre en arrière plan et aux remblais de chaque coté qui protègent les marais et parcs à huîtres…les fameuses huîtres du bassin de Marennes-Oléron.
Notre progression est ponctuée par les passages devant les débouchés des affluents qui constituent des couloirs de vent obligeant Bruno à un effort supplémentaire pour maintenir l'embarcation dans le droit chemin. Les quelques erreurs nous font prendre la houle et un jeu de montagne russe s'ensuit !
Nous avançons bien. Au drapeau rouge signalé sur le raid-book, bifurcation à gauche et remontée d'un chenal ostréicole qui nous conduit à la cale d'arrivée.
Partis en dernière position ce matin, 3h après les tout-premiers, nous fermons toujours la marche. Aucun retardataire n'a été repris. Le point d'accostage est en vue, l'assistance de Françoise est là. La marée étant presque basse, il nous faut hisser le canoë sur la cale. Il pèse des tonnes ! Nous le tirons enfin hors de l'eau, pour nous rendre compte qu'il est plein d'eau !
Effectivement, grosse fissure sur l'avant ! Séquence vidage, ça n'en finit pas de couler.
Allégé nous le hissons sur la remorque. De bonne guerre les concurrents précédents nous ont laissé bien entendu l'étage supérieur !!
Quelques minutes sur place, le temps d'effectuer les manips, et nous repartons en VTT, toujours avec la selle baladeuse !
Une petite section VTT sur le chemin traversant les parcs à huîtres, puis nous arrivons vingt minutes plus tard à « la cabane à Daniel ». Une petite cabane d'ostréiculteur retapée pour les soirées tranquilles de Daniel…
Le chenal de la Tremblade nous barre la route. De l'autre coté, la Grève et son alignement de cabanes ostréicoles. Presque au bout de la grève, à environ 500m de là, le point d'assistance et de transition nous attend.
Problème : comment traverser le chenal avec nos VTT ?
Réponse de l'organisation : deux canoës sont à notre disposition et à nous de nous débrouiller pour traverser !
Bruno et moi étant les derniers, nous avons en plus pour mission de remonter les embarcations sur la berge pour éviter que la marée montante ne les emmène…
Je descends dans la vase avec mon VTT à bout de bras, le met dans l'un des bateaux, prends le vélo que me tend Bruno, le met avec l'autre et grimpe dans le canoë. Bruno me pousse de la berge et, sans ramer, j'accoste sur le chaland ostréicole de l'autre coté. J'y dépose les 2 VTT et nos affaires pendant que Bruno commence à hisser sur l'autre berge le canoë inutilisé. Je retraverse et l'aide à hisser les 2 bateaux sur la pelouse tondue nickel par Daniel. Nous traversons pour la 3ème fois, cette fois-ci à la nage pour rejoindre nos destriers ! Petite manip' bien négociée. La montée sur le chaland se fait en un temps canon malgré une coque alu très…glissante !
Nous sommes à marée basse. Le ponton surplombe de près de 3m le chaland sur lequel j'ai posé les VTT. Bruno grimpe et je lui passe les VTT. Quelques coups de pédales et nous rejoignons Valérie pour un changement express.
Nous repartons sur la Grève direction la Tremblade à la recherche du passage qui doit nous mener à travers les parcs jusqu'au pont de la Seudre…Après 300 mètres, le doute s'installe…pas de chemin…pas de fléchage…Après réflexion, retour à la case départ pour repartir à zéro et réfléchir aux années précédentes. Valérie est étonnée de nous revoir passer dans l'autre sens ! L'erreur est résolue…le passage est juste devant la voiture !
Nous filons ! A travers les claires, ma douleur au genou est occultée par les échauffements de l'entrejambe. Plus que des échauffements, j'ai la chair à vif !
Passages sur digues…étroites, passages dans la vase, passages de rus, passage en funambule sur un poteau téléphonique jeté en travers d'un chenal. Petit bonjour à notre ostréiculteur-spectateur habituel, fidèle à son poste près de sa cabane. Passage étroit moitié casse-g----e entre clôture et chenal…qui se rétrécit d'année en année !
Enfin fini le marais, nous arrivons au pont qui enjambe la Seudre. A nouveau sentier des douaniers en bord de plage puis descente sur celle-ci. Commence alors une longue bavante sur la plage vent de face qui nous cloue sur place. Les échauffements en plus, c'est la galère !
Arrivée enfin aux fameux roseaux qui marquent la fin de cette étape. Toujours personne en vue devant……Arrivés au ravitaillement, nos VTT nous attendent, Valérie et ses deux enfants à coté, et surprise, Olivier le Bûcheron est là !
Le genou en vrac, le solide Bûcheron a été contraint à l'abandon ! Mais son VTT poursuit l'aventure sans lui…il l'a prêté à Hervé les Yeux Clairs qui n'avait plus de vélo ! Vtt mal attaché derrière la voiture par assistance…Vtt tombé…Vtt cassé…assistance malheureuse coureur aussi !
Bref, nous nous ravitaillons : encore 1 sandwich, 2 barre de Kit Kat, un Mars et…nous repartons dans la bonne direction, contrairement à un certain Phil' The Big Boss, qui d'après certaines mauvaises langues serait (dans un premier temps) reparti à 90° dans la mauvaise direction !
Resserrage rapide de la selle…efficace pendant 100m.
Début de VTT en forêt. Parcours technique bien sympa. Le Fakir me prend quelques longueurs…au point que je le perds de vue ! Je progresse tranquille, mais progresse. Passage sinueux, puis ascension d'une dune en poussant le vélo. Bifurcation à droite sur une crête pour aboutir sur un point de vue unique. On domine la plage avec vue imprenable sur le pertuis de Maumusson et l'île d'Oléron.
Chemin sablonneux sur la gauche en descente sur 200 mètres, schuss vélo à la main dans la dune et atterrissage sur la plage pour les 10 derniers kilomètres VTT de l'Inoxman…!
La mer est basse, le vent est fort. Il vient d'Ouest-sud-ouest, nous l'avons donc en pleine poire dans le premier kilomètre, avant de tourner la Pointe Espagnole et de nous retrouver sur la côte sauvage.
Le « revêtement » est très bon. Le sable humide et compact nous permet de rouler presque comme sur une route. Ici certains ont dégonflé. Je décide de garder ma pression pour l'instant. J'en profite pour revenir sur Bruno qui lui (se) dégonfle et lui prendre une cinquantaine de mètres.
Sur ces portions un peu « bourrin », je suis mieux que lui. Je ralentis donc pour lui proposer de prendre ma roue. Mais Bruno est un pur et dur. Il l'a déjà prouvé à l'occasion d'un Inox bouclé sur 2 jours après malaise dans la première journée. Donc là pas question de s'abriter alors qu'il n'est pourtant pas au mieux. Je me résous à rouler une vingtaine de mètres devant, pour servir de point de mire.
Malgré la difficulté du vent ¾ face sur la côte, tout va bien pour moi. Et si malgré tout les jambes commencent à chauffer un peu, pour Bruno ça semble devenir plus difficile. Il me propose de filer sans lui…Que nenni ! J'ai signé pour tout faire avec lui…je terminerai avec lui !
A 5 km du phare, que nous apercevons à l'horizon depuis déjà longtemps, Bruno accuse le coup sérieusement. Coup de fringale !
Nous étions à 17/18 km/h au début de la côte sauvage. L'allure a maintenant chuté à 12 km/h en vitesse de pointe !
A 4 km du phare, Olivier de Saint Palais que nous apercevons devant nous depuis un moment descend de son vélo…sable mou…il se penche, fait quelques étirements puis pose son VTT !
Il s'agenouille enfin…Doit pas être bien !
Arrivés à son niveau…je lui crie qu'il se trompe de coté…il tourne le dos à La Mecque! Il est cuit ! Crampi de partout…il finira à l'arrache…il a raison de faire sa prière ! Bon courage pour le Grand Raid dans 1 mois et demi !
Bruno me suit à distance. A 3 km du phare, je me retourne…Bruno est 200m derrière…et marche à côté de son vélo ! Il est cuit aussi. Plus de force, ti coup d'hypo, c'est pas la grande forme !
Devant j'aperçois un autre Inox. Normal, au jeu des départs avec handicaps les écarts se réduisent.
Je décide de laisser Bruno seul provisoirement pour l'attendre au ravitaillement du phare de la Coubre. Je reviens sur mon prédécesseur…ou plutôt « ma », puisqu'il s'agit de Françoise l'Eclaireuse ! Quelques encouragements, quelques mètres à ses côtés puis je repars.
Le phare est proche. Ouf…si ce n'est qu'il faut franchir la dune en poussant le vélo, dune qui, à ce moment de la course, prend des allures de montagne. Juste derrière la dune, je croise Philinox the Boss. Petite tape dans la main au passage comme le veut la coutume. Il a déjà fait sa transition au phare et repart vers la plage pour la dernière étape. Il trottine et ne semble pas trop cuit…avec sa légendaire foulée « aérienne » …
Quelques coups de pédales et je rejoins mon assistance sur le parking.
Pose du vélo, et je m'assieds pour déguster mon festin : Kit Kat, Mars (comme d'hab.) et fin de sandwich. Bruno arrive 2' plus tard, un peu nase mais pas mort !
Après 15', nous repartons, lui ravitaillé et ragaillardi, moi repus et pieds nus, pour cette ultime étape.
La première ce matin nous faisait parcourir la pointe de la Coubre côté baie de Bonne Anse.
Maintenant pour la fin de course nous la parcourrons côté océan. Au programme, 8km de course à pied sur la plage puis traversée de la baie presque à sec avec juste un chenal d'une quarantaine de mètres où on n'a pas pied. Enfin ce sera, après un passage de vase à mi-mollets l'entrée triomphale à la nage dans le port tels les premiers aventuriers qui terminèrent l'Inoxman neuf éditions plus tôt ! La cerise sur le gâteau…
Mais nous n'en sommes pas encore là ! Retour sur la plage au niveau du phare. Françoise est déjà repartie. Suivant les consignes du Patron son assistance l'attendait sur la plage pour lui éviter l'aller et retour jusqu'au phare. Sinon elle risquait d'être trop juste avec la marée montante pour le final dans la baie.
Nous entamons la plage à bonne petite allure. Je reste avec Bruno. Mes échauffements me font souffrir !
Nous parvenons au coude de la pointe de la Coubre, là où prend naissance le banc de la Mauvaise, banc de sable redoutable au large, cause de nombreux naufrages. Les pêcheurs s'y risquent malgré tout en raison de la richesse en poissons.
C'est là que nous distinguons à nouveau devant nous la silhouette de l'Eclaireuse.
Le fort vent latéral est gênant mais l'allure est convenable malgré tout. Le coude franchi, cap à l'est et changement de sensations. De coureurs émoussés par près de 7h d'efforts, on se métamorphose subitement en Kenyans aux pieds légers. Le vent nous pousse tellement que nous atteignons les 17km/h sans forcer plus !
Nous fondons sur Françoise et la laissons avec au passage un petit mot d'encouragement.
Le sable est dur, la foulée ample, c'est un délice, d'autant que l'écurie commence à se faire sentir !
Devant, personne. Je ne vois même pas Philinox qui pourtant n'était pas si loin devant.
Nous venons à bout de la pointe et contournons comme convenu la cabane quittée 7h auparavant pour boucler littéralement la boucle. Reste à rejoindre le camp de base : le Golfy.
Dans l'anse, le vent est très fort, et les kite-surfers s'en donnent à cœur joie !
Au loin, nous devinons les silhouettes de 3 Inoxmen qui achèvent la traversée. Le maillot jaune fluo de Philinox en point de repère.
Nous contournons le cœur du bassin navigable pour éviter la progression dans l'eau, moins rapide. Franchissement malgré tout de quelques bras d'eau, puis c'est le chenal principal. Nage obligatoire ! 3 kites s'y amusent. Parmi eux, le kite-surfer fou du Golfy, Zonzon, qui nous survole d'au moins 10 mètres en faisant des pirouettes !
Malgré un courant montant déjà fort qui nous balaye, nous accostons sur la rive opposée pour une dernière petite course sur sable…vase et coquillages ! Car si le Fakir à ses chaussures et qu'il ne sent pas les coques, moi pieds nus, je marche comme sur des œufs !
Enfin nous voilà au terme de l'épopée. Dernière mise à l'eau et nous passons en nageant entre les deux jetées rocheuses (couvertes d'huîtres) de l'entrée du port. Chaque Inox sait que depuis la capitainerie, assistances, concurrents déjà arrivés, famille et badauds ont les yeux rivés sur ce point précis où le nouvel arrivant apparaît enfin.
Comme tous les autres, c'est en « Warriors » que nous pénétrons dans l'arène du port. Bon nombre d'Inox ont déjà franchi la ligne mais beaucoup depuis quelques minutes seulement. C'est qu'on est revenu fort sur la fin. Juste devant nous, Gilles le Skieur et Hervé les Yeux Clairs nagent tranquillement vers la cale.
Plus à l'aise pieds nus que le Fakir en chaussures, je nage donc au ralenti, me permettant même un finish en papillon pour le fun. Hervé passe devant. Bruno et moi posons pied ensemble sur la cale, encadrant Gilles assis dans l'eau, victime de crampes. On nous passe le traditionnel collier de fleurs autour du cou sous les applaudissements des amis massés sur la cale.
Une nouvelle fois avec Bruno nous aurons parcouru l'intégralité du parcours ensemble, finissant à nouveau ex-æquo.
Comme l'exige le règlement implicite de l'Inoxman, nous attendons tous ensemble les deux derniers concurrents de ce 10ème Inoxman World Championship. C'est ça l'Inoxspirit !
Françoise arrive à bon port (en l'occurrence celui de La Palmyre) avant que le courant ne soit trop important, un nouveau titre de finisher en poche. Olivier que nous avons laissé prostré à genoux à côté de son vélo sur la côte sauvage arrive enfin in-extrémis because la marée.
Il ajoute quelques heures à se préparation pour la Diagonale des Fous...
Le périple est achevé. Participants et assistances sont tous réunis sur la cale de la capitainerie au pied du Golfy. L'assistance de Lapin n'a pas attendu pour mettre en action une fontaine à bière.
Il est temps de passer aux choses sérieuses et d'entamer la 2ème mi-temps, la soirée pendant laquelle les baroudeurs vont revivre quinze fois l'épopée peut commencer. Notre salle attitrée nous attend avec Jo aux commandes du dîner d'après course. Ambiance retour du combat, les gaulois réunis autour de la table comme dans la BD. Manquent juste le sanglier rôti au milieu de la tablée (on en a bien un dans l'équipe mais y serait pas d'accord et il est pas rôti en plus!) et le barde ligoté dans l'arbre (on en a bien un ou deux aussi dans la bande mais on n'a pas osé !).
Et n'oublions pas le cri de guerre : « Inoxman un jour, Inoxman toujours ! »
Belle fête que cette 10ème…en attendant…la 11ème !
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