Ironman de Francfort vu par moi...
J-365 : S'inscrire pour « la plus grande fête du triathlon au Monde » comme le dit Peter Reid. Les inscriptions ouvrent le mardi après la course 2006, 5 jours plus tard, elles sont closes, la course est complète. J'ai été ponctuel, 2 inscrits français supplémentaires. Mon père pour son tout premier Ironman, avec comme expérience le longue distance de Nice en 1998 et quelques promos dans les années 90. Et moi pour mon 7ème Ironman et un gros objectif, « casser » la barrière des 9h00. Et c'est parti pour une (très) longue préparation.
J-4 : Je pars rejoindre ma famille pour faire la route en leur compagnie. Ce mercredi soir, c'est Nantes/Royan, 200km de voiture.
J-3 : Petit tour de vélo le matin, et en début d'après midi, départ de Royan pour plus de 11h00 de route. Dans le convoi, le club des supporters, ma mère et mon frère, et les coureurs, mon père et moi. Céline ne pouvant faire partie de l'aventure pour cause de mariage. Petite halte en soirée au environ de Troyes pour une bonne nuit de sommeil sous la tente et deuxième étape le lendemain.
J-2 : En matinée, dernière étape jusqu'à Francfort pour une arrivée ponctuelle pour le briefing des pros, catégorie dans laquelle je me suis inscrit cette année. Le choix de cette catégorie ? M'éviter d'être tenté par une qualification que je ne pourrais honorer à cause d'un budget trop limite.
Mon père et moi sommes attentifs au briefing, sensiblement le même que pour les groupes d'âge. Explication sur le règlement, sur le parcours, tout étant déjà bien détaillé dans la plaquette. Commentaires de courses terminés, je suis le « paquet » des pros direction contrôle anti-dopage. A priori, banalité avec une piqûre sur le lobe de l'oreille, c'est finalement une prise de sang classique. L'affaire faite, nous prenons enfin la direction du centre ville pour récupérer les dossards et découvrir le site d'arrivée ainsi que le second parc à vélo, puisqu'il y a ici deux parcs à vélo.
#661 pour mon père, #15 pour moi. Nous avons tout récupéré, enfin presque puisqu'il manque mon bonnet dans mon sac ! Aussitôt, un organisateur me redonne un bonnet rouge, couleur réservée au pro. Il me demande d'attendre 2'' puis revient avec un deuxième…au cas où je « reperde » mon bonnet ! Je me retrouve avec 2 bonnets rouges ! Ne souhaitant pas rester des heures sur place, nous reprenons le chemin de la Salle des Sports pour la pasta-party. La soirée bien sympa terminée, nous prenons possession du site destiné aux triathlètes/campeurs et nous y installons.
J-1 : C'est aujourd'hui la dernière grande journée avant LA journée, celle attendue depuis presque 1 an !
Début de journée cool avec préparation des sacs de transition et ravitaillement. Pas de contrainte pour moi concernant le dépôt du vélo, par contre mon père doit mettre le sien entre 12h et 13h. Nous partons donc rapidement pour le parc de transition natation/vélo. Sur place, préparation du matériel, dernier ajustement au niveau des sacs, petit tour vélo pour moi pour prendre mes dernières marques. Enfin, direction le parc à vélo. Je me sépare de mon père qui va vers sa place, moi je me dirige vers le sas des pros. Pas beaucoup de vélos déjà en place. On me donne le résultat du contrôle anti-dopage de la veille, négatif, comme l'ensemble des contrôles réalisés sur l'épreuve. Ne rien oublier : le compteur, les bidons, les chaussures, le dossard, tout à l'air d'y être…bien. Je m'apercevrais plus tard que j'ai oublié la paille de mon bidon aéro sans laquelle je ne pourrai boire. Les vélos et sacs déposés, nous visitons rapidement le magnifique site. Le stress retombe un peu. Nous retournons à notre campement histoire de nous reposer un peu sur cette fin de journée. Le soir nous retrouvons de bonne heure nos matelas pour profiter de cette dernière nuit de sommeil.
Jour J, dimanche 1 juillet 2007 :
4h30 : Réveil bien matinal, on aurait bien dormi un peu plus ! Réveil tranquille, on se prépare gentiment avec un copieux petit déjeuner. On n'oublie pas nos puces et le matériel de natation avant de prendre la route pour les 30 minutes qui nous séparent du site natation. Nous arrivons sur place dans les temps, il est 6h00, le départ est dans 1h00, parfait !
Je retrouve mon vélo, je fais au plus vite, intimidé par la foule massée derrière les barrières pour regarder les PROS, les vrais, ceux qui font régulièrement des places d'honneur sur les Ironman, tel que Al Sultan, Gohner, Bracht, Vabrousek, Stadler et les nombreux autres qui m'entourent… Mon vélo est définitivement prêt, je file rejoindre mon père voir si tout se passe bien de son coté. Il n'est pas bien loin. Le temps passe vite, on laisse nos sacs natation dans le camion affrété à cet effet, la combinaison est mise. En descendant en direction de l'eau, dernières photos de nos « reporters maison » avec mon père. Enfin, nous nous séparons pour vivre cette expérience ensemble…mais chacun de notre côté, avec peut être, après de savants calculs, un espoir de nous rencontrer sur le marathon. Normalement, je devrais le doubler, lui sur son premier tour, moi sur mon quatrième et dernier ! Rendez vous pris pour la course à pied, nous prenons chacun un chemin différent. Je mets mon bonnet rouge (mon laissez-passer pour la ligne de départ des pros située 20 mètres devant celle des groupes d'âge en bonnet vert). Quelques mouvements, m'y voilà. Devant moi, Norman Stadler qui me « fait du pied » sur la ligne de départ, un peu à l'écart, Faris Al Sultan, et tous les autres à moins de 10 mètres autour…impressionnant ! Hymne, feu d'artifice, je n'attends qu'une chose, la même chose depuis 8 mois, la libération !
C'est parti, le départ est donné. Pour ma part pas de coup, ce qui me permet de nager librement et de m'appliquer. Très rapidement, une ruée de bonnet vert me rattrape. Je me sens plutôt pas mal, j'ai même à mon niveau un autre bonnet rouge ! Et un bonnet blanc en prime (pro femme). La première boucle de 2300m me semble rapidement parcourue. Sortie à l'australienne, 35', je suis dans les temps sur les bases d'une heure. Il reste 1500m en aller-retour. Je repars pour 1 tour ! Ca devient plus dur, mais j'avance !
Finalement, l'arrivée se rapproche, enfin je touche le sol, je sors de l'eau en 1h01' et en 380ème position, mon meilleur temps pour 1'…et c'est parti pour une longue transition. A peine sorti de l'eau, une côte de 80m avant de récupérer nos sacs. Je prends le mien et ne passe pas par la tente de changement. Je mets mon casque en courant, évite les concurrents qui se changent à leurs chaises. J'arrive enfin à mon vélo, j'y mets mes chaussettes et mes chaussures, j'enfile mes lunettes et je me précipite à la sortie du parc. Au final, j'ai doublé 100 triathlètes durant la transition, un record pour moi ! Au bout de 200 mètres sur mon vélo, je me rends compte que le vent pénètre dans mon maillot…aïe aïe aïe ! J'ai oublié dans ma précipitation d'enfiler mon maillot de vélo…avec TOUS mes ravitaillements dedans ! Quel écervelé ! Je n'ai plus qu'à faire l'ensemble du vélo avec les ravitaillements de la compétition pour seul apport…heureusement que sur Ironman les choses sont bien faites.
Le départ vélo est rapide, faux plat descendant sur les 13 premiers kilomètres. Passage par T2 et le centre de Francfort, et c'est parti pour la première boucle de 83km. De bonnes sensations, je double encore beaucoup de concurents, passant les passages « chauds » avec plaisir, un passage pavé avec des milliers de personnes, des passages de village et le fameux Heartbreak Hill, similaire aux cols Pyrénéens par la densité de spectateurs, impressionnant ! Juste avant celui-ci, je double les premières femmes qui se battent entre elles. Je ne m'attarde pas avec elles ! Je monte Heartbreak Hill sur un rythme d'enfer, en slalomant à travers le rideau de spectateurs. Merveilleux spectacle ! En haut, c'est panorama sur la skyline de Francfort, il reste une dizaine de kilomètres plutôt favorables malgré le léger vent de face.
90ème kilomètre, je regarde mon temps : 2h19', soit sur les bases de 4h38'…très bien ! Traversée de Francfort, passage obligé devant le parc sous les acclamations des spectateurs déchaînés. Juste après avoir passé ce point chaud, un insecte rentre dans mon maillot. Instinctivement, j'essaie de m'en débarrasser en l'écrasant à moitié, vive douleur ! C'était une guêpe. Me voilà avec une démangeaison sur le sternum…allons donc !
Je commence ma deuxième boucle sur le même rythme. Rapidement arrive la première côte : « the beast ». Je commence à sentir les jambes chauffer, mais j'oublie ma douleur, la côte terminée, je relance. Descente puis passage sur la traversée pavée. Toujours la même ferveur, même des diablotins nous coursent !
Partie de manivelle dans la campagne puis côte, la plus longue du parcours, puis grosse descente pour une nouvelle virée en pleine campagne. Bientôt l'extrémité du parcours, plus que 40 km, je m'accroche tant bien que mal pour garder le tempo…facile à dire ! Un paquet d'une quinzaine de triathlètes me double…bien les gars !
Je les laisse partir sans résistance.
Le ravitaillement resté dans ma poche de maillot commence sérieusement à me faire défaut ! Quel nul !
Je résiste. Heartbreak Hill arrive enfin pour la dernière fois. Toujours l'euphorie. En haut, c'est un deuxième paquet qui me passe. Celui-ci, je ne le laisse pas partir. Je m'accroche à une trentaine de mètres, plus que 10km, il faut tenir !
On entre dans la ville, je pousse un grand soupir. Dernière ligne droite…noire de monde.
Le parc est en vue, je me déchausse.
Ca y est, nous sommes arrivés ! 4h50' pour moi et 60ème temps. J'aurais pu faire mieux, j'aurais dû faire mieux, mais je suis à 5h55' de course et encore dans les temps pour passer sous les 9H00 au final. Je n'ai plus le droit à l'erreur. Un bénévole saisit ma monture, je prends l'allée dans laquelle se trouve mon sac…j'arrive, regarde les numéros, 1900…ZUT ! Mon sac est à l'entrée…demi tour, je retrouve mon sac et rejoins enfin la tente. J'enlève mon casque, saute dans mes chaussures, mets une visière et empoigne une pochette de nouille préparée la veille.
C'est parti pour un marathon !
Une gorgée d'eau, je commence ma course sur un bon rythme. Je suis bien mais ne m'enflamme pas, mes Ironman précédents m'ont appris qu'il est prudent d'être patient !
Premier ravito, j'essaie d'ingurgiter mes pâtes, une poignée, j'abandonne et jette le reste dans une poubelle, ça ne passera plus.
Les premiers kilomètres passent vite, tant mieux, c'est toujours ça de moins à faire !
Un demi tour, les deux premières femmes me talonnent, elles resteront ensemble jusqu'à la fin. Le premier tour est une réussite, je suis à l'aise et mon temps est de 43', j'ai les 9h00 dans les jambes…restons zen.
Deuxième tour. Les kilomètres défilent toujours bien, avec les encouragements bienfaiteurs de ma mère, mon frère et Céline par le biais de mon frère au téléphone. Quelques conseils à ressasser, manger, rester concentrer, lever les genoux…c'est magique, ça marche. Sur ces bons conseils, je m'alimente régulièrement, principalement de bananes. Je bois tout ce qui m'est proposé, ne comprenant pas les paroles des bénévoles. J'enchaîne sur un même ravitaillement eau, coca, red bull, isotonique, coca et eau, de quoi ne pas se déshydrater !
Le deuxième tour est positif, 45', toujours dans les temps !
Le troisième tour, les muscles commencent à souffrir, mais je tiens le rythme imposé. Malgré tout, le premier, puis le second me doublent…ils courent vite les bougres !
Mon troisième tour est quand même bouclé en 45'. Toujours et encore dans les temps pour mon objectif, je n'en ai jamais été aussi près !
Le dernier tour devient de la résistance. Les jambes commencent à être lourdes. Je mets de la fréquence. 3ème kilomètre de mon tour, je croise un maillot jaune fluo imprimé d'un logo inimitable à l'occasion d'une chicane…c'est mon père ! Finalement, je ne le doublerai jamais, moi je file vers l'arrivée. Mais il a l'air plutôt pas mal, c'est rassurant !
Je galope. Je ne regarde plus ma montre, je « sprinte » en slalomant entre les triathlètes attardés. Je me ravitaille au vol. Derniers kilomètres, il faut accélérer, ça va être juste !
J'arrive au parc, l'arrivée est à quelques centaines de mètres…
…Dernier virage, j'arrive sur le tapis rouge, je regarde ma montre…
…trop tard…
…je profite de ma dernière ligne droite, laissant filer la barrière des 9h00 tant espérée. Quelques secondes seulement, 64 exactement, et j'atteignais mon but. Trop tard….tant pis…
…une prochaine fois alors !
9h01'04''. 26ème. J'aurais fini 6ème de ma catégorie dotée de 9 slots pour Hawaii. Mais je suis en pro et en étant 14ème, je ne risque pas d'être tenté par la qualif'. Seul le temps comptait. Avec 1h01 en natation, mon record, 4h50 à vélo, mon record, et 3h04' au marathon, mon record, je descends mon chrono Ironman de 25', je n'ai pas à me plaindre malgré ces 64'' !
La ligne franchie avec le drapeau français entre les bras, je retrouve mon frère et ma mère. Pendant qu'ils vont rejoindre mon père sur le parcours, j'enchaîne massage, douche, ravitaillement et diplôme rapidement pour retrouver mon père sur sa fin de deuxième boucle.
Il court toujours, plutôt bien. Mais il reste encore quelques kilomètres ! Au fil des passages, nous l'encourageons, l'obligeant à courir lorsqu'il marche, à manger et boire aux ravitos, mais rien n'a l'air de passer.
Il ira au bout, c'est sûr.
Impatient, nous l'attendons sur son dernier tour. Le voilà qui arrive au kilomètre 36, pas vraiment frais, mais toujours là !
Je prends de l'avance pour l'attendre à l'arrivée, mon frère reste à son niveau.
13h31', je suis sur la ligne, il court, son nom s'inscrit sur l'arche d'arrivée, c'est un Ironman, belle course, dure, mais un Ironman se mérite. Il l'a fait !
Nous partons lui et moi nous ravitailler dans l'aire d'arrivée puis nous rejoignons le « fan club » pour une petite binouze en famille bien méritée ! L'Ironman Germany ne pouvait se terminer autrement !
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